La carrière d’acteur de Mickaël Winum lui a déjà permis d’emprunter des rôles aussi marquants qu’Oreste dans Andromaque – mise en scène Anne Delbée – ou encore Dorian Gray qu’il joue actuellement à Paris avec Thomas Le Douarec, assurant les versions françaises et anglaises !
Difficile de réduire en un article l’émotion et l’enthousiasme de Mickaël à exercer ce métier. Partager des émotions et vibrer avec le public, s’exprimer par la peinture, le chant et maintenant le piano … je vous invite à faire connaissance avec un artiste complet et à découvrir impérativement cet acteur charismatique en allant le voir sur scène, actuellement au Théâtre Ranelagh, jusqu’au 7 avril 2019.
Mickaël, on vous a vu récemment dans le rôle d’Oreste pour Andromaque de Racine. Quel parcours avez-vous mené avant cela ?
J’ai commencé le théâtre sur les conseils d’une amie : celle-ci m’a incité à contacter le metteur en scène Jaromir Knittel qui se consacrait alors à l’enseignement de l’art dramatique en Alsace. La rencontre avec sa troupe a commencé par une audition, j’avais alors 16 ans. On m’a dit « montre nous ce que tu as dans le ventre » !
Ont suivi plusieurs années de tournées, en Alsace, en République Tchèque, à Avignon…
J’ai beaucoup appris. Jaromir a été un vrai père spirituel, c’est pour ainsi dire mon père de théâtre. Cette rencontre a été un bel hasard de vie, on m’a tendu la main et j’ai su la saisir, cela m’a mené au théâtre !
Qui sait, cela aurait pu être dans le sport – j’ai fait du judo pendant sept ans ou encore dans le dessin que je pratique beaucoup !
Vous rejoignez ensuite Paris …
Oui, après un passage au conservatoire d’art dramatique de Strasbourg, j’ai pris la décision de rejoindre Paris sur un coup de tête ! En fait, il a fallu tout recommencer à zéro, les petits boulots… jusqu’à la rencontre avec Nâzim Boudjenah de la Comédie Française, avec qui j’ai joué dans un spectacle intitulé L’oiseau bleu.
Il y a eu également les cours de Jean-Laurent Cochet que j’ai suivis pendant un an : un mentor ! Et quel héritage ! Il a formé Gérard Depardieu, Fabrice Luchini, Isabelle Huppert, Daniel Auteuil…. Il m’a beaucoup aidé, sur le lâcher-prise notamment : d’un coup, j’osais !
Entre temps, j’ai eu l’opportunité de parcourir le monde, durant trois ans, entrecoupés de quelques court-métrages et tournages pour la télévision ou le cinéma. Cela m’a permis de bien maîtriser l’anglais et surtout de prendre le temps d’être observateur d’autres sociétés, d’autres cultures, d’autres manières d’être. Le voyage m’a formé : un bon comédien doit être un bon observateur, on se nourrit de ce qu’on a pu observer chez les autres.
De retour à Paris en 2015 – le théâtre et les tournages me manquaient – j’ai décidé de tout donner pour ce métier.
Comment s’est passé votre retour à Paris ?
J’ai décidé d’y aller au culot ! J’ai fait une lettre à tous les agents de Paris, et coup de chance, mon premier agent accepte de me prendre sous son aile, j’ai alors commencé les castings.
Puis il y a eu la rencontre avec Anne Delbée, metteur en scène, sur un heureux hasard, à la terrasse d’un café ! J’avais lu son livre Une femme, Camille Claudel, que j’ai beaucoup aimé. J’ai eu la chance qu’elle me propose plus tard le rôle d’Oreste dans Andromaque de Racine que nous avons joué en tournée… notamment au Mois Molière à Versailles en juin 2018.
Quel souvenir gardez-vous d’Andromaque à Versailles ?

Mickaël Winum dans le rôle d’Oreste – Andromaque joué dans les Grandes Ecuries du Château de Versailles lors du Mois Molière
C’était royal ! C’est le cas de le dire. Jouer dans les Grandes Ecuries du Roi n’est pas anodin : Louis XIV était là tout de même ! C’était quelque chose d’énorme. Nous jouions à la tombée de la nuit, la lumière changeait tout au long de la pièce : nous commencions au coucher de soleil et à la fin il faisait nuit. Je voyais les étoiles, parfois je parlais au ciel d’ailleurs. Anne Delbée, qui était donc à la mise en scène, m’encourageais à me servir de ça. Pour ce rôle d’Oreste j’étais comme en apesanteur, une forme de libération, porté par la mise en scène d’Anne. Et puis à la sortie, quel émerveillement de voir le château illuminé !
Tout était magnifique sur ce projet d’ailleurs : les Festivals d’Avignon, de Figeac, les Festivals d’Anjou, d’Angers…
Ce rôle a été très marquant pour moi.
Oreste, c’est ma plus belle déchirure : c’est le mal aimé, c’est celui qui s’en prend le plus dans la gueule, rien ne marche comme prévu. Il devient fou, complètement timbré !
J’adore les textes bouleversants. Je suis quelqu’un de très solitaire, je me suis senti légitime à le défendre.
Cette pièce a représenté cinq mois de travail intensif avec la troupe de comédiens, nous répétions au château de Buc.
Vous semblez encore ému par le rôle d’Oreste ! Y a-t-il eu d’autres rôles aussi marquants ?
L’Aiglon d’Edmond Rostand, que j’ai interprété en 2006 avec la troupe de Jaromir Knittel, a été le premier rôle avec lequel tout a basculé pour moi. J’étais persuadé de mourir comme lui ! Je crois qu’il n’y a pas plus fort que les grandes tragédies pour donner envie de vivre !
Un autre rôle magnifique a été celui du Naturaliste dans Le Verfügbar aux Enfers de Germaine Tillion. Un rôle très fort sur les conditions de vie dans les camps durant la seconde guerre mondiale : le personnage que j’incarnais évoquait crûment des corps démembrés avec beaucoup d’humour noir. Marquant.
Enfin, il y a le rôle que je tiens actuellement, Dorian Gray, dans Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, à l’affiche du Théâtre Ranelagh du 23 janvier au 7 avril 2019. C’est un gros projet et c’est un rôle de rêve ! Ce jeune premier, tous les jeunes comédiens en rêvent. Quelle finesse, quel monde !

En répétition pour Dorian Gray
J’ai la chance de faire toutes les représentations, y compris les quatre représentations en anglais les 15, 22, 29 mars et 5 avril. J’avais d’abord décroché le rôle en anglais, puis Thomas Le Douarec, le metteur en scène, s’est dit que je pouvais aussi poursuivre en français ! Après Paris, nous partons en tournée. La pièce a très bien marché à Avignon où nous l’avons jouée l’été dernier. On retourne la jouer à Avignon d’ailleurs l’été prochain.

Répétition de Dorian Gray au Théâtre Ranelagh avec Thomas Le Douarec à la mise en scène.
Accepteriez-vous de partager avec nous quelques émotions ou anecdotes de votre expérience d’acteur ?
Une grande émotion, c’est le retour du public, ou plutôt l’émotion ressentie par le public ! Lorsque j’ai joué Oreste à Versailles, des personnes m’ont remercié, me disant que j’avais été bouleversant de vérité. Certains de mes amis dans le public ont croisé mon regard et m’ont dit avoir été gênés, ne pas m’avoir reconnu. C’est la plus belle chose qu’on m’ait dite, c’est que j’étais totalement dans le personnage !
Merci au public d’avoir été au rendez-vous. Sentir cette émotion du public, c’est un très beau cadeau ! J’étais heureux aussi de constater que des ados s’étaient déplacés pour voir le texte de Racine mis en scène.

Les comédiens d’Andromaque, mise en scène Anne Delbée, lors du Mois Molière à Versailles
Je pourrais parler aussi des trous noirs, des gros bugs, oublis de textes, auquel tout comédien est confronté. Pour certains textes comme celui de Racine, on arrive à se donner tellement qu’on peut en oublier des mots. Or la difficulté est d’être tenus par le texte en rimes ! S’il manque une rime, que va-t-on bien pouvoir mettre à la place ? Lorsque cela arrive, la mémoire sensorielle prend le relais. Tant qu’on a l’idée et l’intention, on arrive à se raccrocher aux wagons car on sait vers où on veut aller. Il faut le vivre, on continue du moment qu’on est dans le jeu et le public ne se rend compte de rien comme dirait Jean-Laurent Cochet.
Le plus important est d’être dans l’intention.
Vous êtes un artiste aux multiples facettes puisque vous êtes aussi peintre, vous chantez…
Toute forme artistique raconte une histoire et j’ai besoin de raconter des histoires ! Il y a une adéquation entre tout cela. Les pièces dramatiques, la peinture, la musique, les chansons tristes – Brel, Barbara Edith Piaf ou encore le Requiem de Mozart… – me fascinent. J’aime aussi beaucoup U2, Sia, Biolay.
Toutes ces formes d’expression artistique sont le reflet de ce que je suis : quelqu’un de plutôt mélancolique, mais pas malheureux ! Les sentiments les plus lourds m’inspirent ; j’ai toujours trouvé le drame beaucoup plus intéressant.
J’écris mes textes et m’accompagner au piano est devenu un besoin. Je me suis dit que maintenant, je n’attendrais plus et que si j’en avais envie, il fallait que je m’en donne vraiment les moyens.

Peinture – Mickaël Winum
Je prends des cours de piano depuis trois mois. La toute première fois que j’ai mis les mains ensemble pour accompagner ma voix a été un grand moment ! Quand je fais quelques accords au piano, il se passe vraiment quelque chose : des mots, des mélodies me viennent. Il m’arrive d’avoir des pics d’inspiration à trois heures du matin. J’ai une centaine de mélodies en tête ! Des textes également, évoquant la disparition, la séparation ou l’abandon : un peu sombre mais jamais dans la complainte !
Quelles seront vos projets après Dorian Gray ?
Je travaille sur un autre spectacle avec Caroline Darnay. Ancienne danseuse, comédienne et metteur en scène, elle a notamment fait la mise en scène du spectacle Amok, avec Alexis Moncorgé.
J’ai fait appel à Caroline pour Le discours sur le bonheur d’Emilie du Chatelet que j’avais très envie de jouer. Ce texte a été un vrai coup de foudre, il fait un bien fou ! C’est devenu un livre de chevet.
Emilie du Chatelet a été l’une des mères des mathématiques, elle a notamment traduit Newton, elle a aussi été la maitresse de Voltaire pendant dix ans. Puis elle a écrit ce petit bijou de discours sur le bonheur juste avant de mourir et qu’elle voulait garder secret.
Je devais jouer seul mais comme nous avons écrit la pièce à deux pour y ajouter une forme dramatique et une évolution dans les personnages, nous allons finalement la jouer tous les deux avec Caroline, nous venons tous juste de le décider !
Il s’agit d’un jeune peintre solitaire et mélancolique, très dark, abandonné, à la recherche de repères. Son agent lui demande de peindre le portrait d’Emilie du Chatelet. C’est la rencontre entre un homme et une femme à deux époques distinctes : 270 ans les séparent. Au début le peintre n’est pas intéressé et finalement quelque chose va subitement changer à travers elle.
Nous n’en sommes encore qu’aux prémices du projet, à suivre donc !
Bonne route Mickaël, et beaucoup de succès avec Dorian Gray !
Retrouvez Mickaël dans le rôle de Dorian Gray au Théâtre Ranelagh du 23 janvier au 7 avril 2019.
Mise en scène : Thomas Le Douarec. Avec également Fabrice Scott, Maxime de Toledo, Caroline Devismes, Solenn Mariani et Thomas Le Douarec.
Informations et réservations : http://www.theatre-ranelagh.com/fr/saison-2018-2019/le-portrait-de-dorian-gray
« Par la magie d’un vœu, Dorian Grey conserve la grâce et la beauté de la jeunesse. Seul son portrait vieillira. Le dandy s’adonne alors à toutes les expériences ». Cette œuvre, qualifiée de répugnante à sa sortie en 1891, aborde les thèmes de l’art, de la beauté, de la morale, de la jeunesse et du temps qui passe.
Pour suivre l’actualité de Mickaël : mickaelwinum.com

Sur la scène du Théâtre du Ranelagh
Interview et photographies : Karine Péron Le Ouay – Photographe
L’article et les photos ne sont pas libres de droits.
Portfolio : kperonleouay.pixieset.com
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